La femme-serpent
Publié par Stephanie Faucher
Andréane arrive à 10 h tapantes dans un café-resto rue Bernard. Elle est souriante, affable et prête à parler de son travail. Née à Gatineau, la québécoise de 27 ans a rejoint le monde du cirque à 9 ans. Formée par l’École nationale de Cirque, elle fera plus tard une tournée avec le cirque Éloize. Puis, elle prendra la route vers la Suisse pour jouer dans des cirques traditionnels et travaillera trois ans en Allemagne dans les cabarets. C’est après lui avoir demandé pourquoi elle a décidé de retourner au Québec pour entamer des études à l’UQÀM en théâtre que la conversation prend une tournure presque philosophique. Andréane m’explique qu’elle veut dépasser l’aspect spectaculaire de la contorsion. Elle perçoit son corps comme un lieu de passage. Il est son matériel artistique au même titre que le peintre a ses pinceaux, l’écrivain sa plume ou le jazzman sa trompette. « Pendant 10 ans de ta vie, ton travail consiste à prendre soin de toi et à montrer ce que tu sais faire avec ton corps. Je veux que mon art soit évocateur et je veux pouvoir dépasser le simple aspect spectaculaire », m’explique t-elle en souriant.
Apprendre dans l’environnement rigoureux du cirque lui a certes permis de développer ses capacités, mais elle est convaincue qu’à un certain moment un cadre trop rigide empêche de dépasser ses limites et élimine le côté purement créatif. « Je veux savoir quels messages, quelles émotions et quelles réactions suscitent mon corps en action », poursuit Andréane.
De plus, la femme-serpent veut comprendre un aspect de son métier qui lui a toujours échappé. Quelle place donner à la sexualité à travers cet art où le seul moyen d’expression est le corps? « Pour un grand nombre de personnes, être contorsionniste a une connotation sexuelle. Pourtant, ce n’est pas ce que le cirque cherche à mettre de l’avant. J’adore la femme et la sensualité; je veux l’explorer davantage » C’est ainsi que samedi dernier Andréane a décidé de performer nue sur la scène de la Sala Rossa pour ouvrir le Festival Edgy Women.
« C’est grâce en partie à la scène « underground » montréalaise que je trouve aujourd’hui les moyens de me questionner sur ce rapport qui nous lie à la sexualité en tant que contorsionniste. Mais, étonnamment, en dansant nue personne ne m’a parlé de l’aspect érotique. C’est peut-être par gêne, mais c’est l’impression que j’ai reçue du public », ajoute-t-elle.
Elle semble encore au stade de l’exploration et de la découverte, mais une chose est sûre, Andréane n’a pas fini de se questionner sur cet art fascinant. Elle y consacre même un mémoire de maîtrise qui s’intitule : « La Prouesse comme technique évocatrice de sens ». Avec ce désir ardent de comprendre ce qu’elle fait, cette volonté de pousser ses limites et celle de son art, Andréane est certainement une « Edgy Woman » et a été la candidate idéale pour ouvrir le festival qui porte ce nom.